Arctic Monkeys poursuit sa mue avec « The Car »

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Qu’il est déjà loin le temps où quatre ados de Sheffield débarquaient plein de rage, au milieu des années 2000, pour réveiller une scène rock endormie en surfant sur les prémisses des réseaux sociaux.

Plus de quinze ans après la sortie de Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not (2006), premier album au nom prémonitoire, Arctic Monkeys n’incite pourtant pas à la nostalgie tant il sait se réinventer. Preuve en est avec ce septième album, sorti après quatre ans de silence qui valaient la peine.

Dans The Car, dans les bacs ce vendredi 21 octobre, le piano et les cordes ont remplacé les riffs lourds qui faisaient le succès du groupe à ses débuts. Orchestrations grandioses, ambiance rétro : la dizaine de titres livrée par le groupe peut déstabiliser au premier abord. Après quelques nécessaires replays, difficile toutefois de ne pas tomber sous le charme.

Alex Turner joue au crooner

Leader iconique du groupe, le chanteur Alex Turner apparaît davantage crooner que rockeur, évoluant avec légèreté dans cet univers pop-symphonique qu’il aimait déjà explorer avec son second groupe, The Last Shadow Puppets. Le Britannique, qu’on connaissait déjà bon chanteur, surprend en dévoilant une panoplie vocale aux mille reflets, passant avec aisance de chaudes notes graves à un falsetto maîtrisé.

Assumant une forme de théâtralité dans sa diction, Turner épouse à merveille l’atmosphère feutrée créée par ses camarades Matt Helders (batterie), Jamie Cook (guitare) et Nick O’Malley (basse). On le compare à Bowie, Cohen, et même Gainsbourg. Pompeux ? Ampoulé ? Juste et classe, préférons nous écrire.

Les fidèles du groupe avaient déjà compris avec «Tranquility Base Hotel and Casino» (2018) – album-concept rétrofuturiste transportant ses auditeurs sur une colonie lunaire – que le quatuor s’éloignait des routes de l’indie rock pour emprunter d’autres chemins. Au risque de laisser sur le bas côté certains fans déçus, restés scotchés aux tubes de stade R U Mine ou Do I Wanna Know.

L’ADN rock du groupe, bien qu’en sourdine sur un album emprunt de jazz et de soul, n’a – heureusement – pas tout à fait disparu. Il ressurgit ça et là dans The Car, comme dans le final magistral de Bodypaint, l’un des morceaux les plus séduisants de cet album.

Turner, songwriter toujours aussi génial

Le pilote du bolide Arctic Monkeys semble être l’unique responsable de ce virage à 90 degrés (au moins), Alex Turner étant encore une fois l’auteur-compositeur de presque toutes les chansons.

Les talents de songwriter de ce fan des Strokes sont intactes. En témoignent There’d Better Be A Mirrorball («Pourvu qu’il y ait une boule à facettes»), émouvante balade douce-amère contant la fin d’un amour, l’envoûtant Hello You et son envolée finale, ou encore le délicat Mr Shwartz, peut-être l’une des chansons les plus douces de son répertoire. Sculptures of Anything Goes se démarque des autres titres, avec ses synthétiseurs vibrants et son ambiance presque pesante.

Côté livret: des paroles empruntes d’une mélancolie certaine, remplies d’images dont la poésie est souvent difficilement transposable au français. Toujours plus cryptiques, les textes laissent d’autant plus de la place à l’interprétation de celui qui prend la peine de se plonger dans la langue riche du parolier anglais.

On ne secouera peut-être pas la tête sur The Car, mais on ne peut qu’apprécier le retour audacieux de ceux qui ont accompagné l’adolescence de toute une génération. Rare groupe contemporain capable de remplir des stades avec du rock, ils ajoutent une nouvelle pierre à leur riche carrière sans se soucier ni des fans, ni de l’industrie.

Après un tel virage, on a peine à imaginer ce qu’Alex Turner et sa bande nous réservent pour la suite. Il faut bien le dire, The Car a cet arrière-goût de dernier album. «So if you wanna walk me to the car / You oughta know I’ll have a heavy heart», «Alors si tu veux m’accompagner jusqu’à la voiture / Tu dois savoir que j’aurai le cœur lourd», chante Alex Turner dans There’d Better Be A Mirrorball. Espérons que ça ne soit pas pas un message d’adieu.

★★★★ The Car, Domino Records, 2022, 37 minutes

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